LETTRE OUVERTE A MADAME LA MAIRE DE VILLE-D’AVRAY

Le 23/12/19

 

Madame,

Lors de la réunion publique s’étant tenu le 19 dernier, je n’ai pas souhaité prolonger mon intervention, le but n’étant pas de préempter les débats.

Les réponses à nos questions appellent néanmoins quelques développements :

  1. Rappelons que les dagovéraniens, lors du questionnaire qui leur a été adressé cet été, ont classé la thématique de l’environnement et de l’écologie en seconde position, après les transports.
  2. Admettons que le projet Cœur de Ville est un projet de densification urbaine :

Conclusions et Avis motivé du Commissaire-Enquêteur relatifs à l’enquête publique portant sur le projet de modification n°1 du PLU – rappel de l’objet de l’enquête : « Volonté du gouvernement de densifier certaines zones de la métropole du Grand Paris ».

  1. Précisons que la notion de « densification urbaine » même est contestée par les experts :

« La densification est une très mauvaise idée, y compris sur le plan écologique (…) Construire des logements près des gares est une fausse bonne idée, parce qu’elle favorise (donc augmente) les déplacements domicile-travail qui sont déjà en nombre abyssal = il y a 43 millions de déplacements / jour en IDF. » En augmentation constante…

https://www.metropolitiques.eu/_Lorthiois-Jacqueline_.html?lang=fr

« Toute construction de logements sans création d’emplois aggrave la situation, qui est explosive et mortifère sur le plan climatique (…) 19 communes (sur 1274) cumulent la moitié de l’emploi, c’est ingérable, il faut déconcentrer (…) diminuer les besoins de transport à la source (…) L’Ile-de-France doit impérativement cesser de grossir. »

  1. Sans en rejeter tous les aspects, le projet du centre-ville, tel que cela a été dit par plusieurs intervenants, ressemble davantage à une exploitation du potentiel de constructibilité de quatre parcelles qu’à une véritable réflexion d’ensemble :
  • Combien d’emplois créés ?
  • Pas un mot sur la conservation et la réhabilitation des bâtiments anciens rue de Sèvres, qui paraitront pourtant encore plus sales lorsqu’ils seront entourés de constructions nouvelles :

  • De même, rien sur le ravalement d’autres bâtiments plus récents (tel le Colombier) :

  • Aucun des quatre projets présentés ne s’inspire des éléments de l’architecture vernaculaire. Pourtant, la cohérence de l’architecture historique au cœur de ville est reconnue par le PLU, puisqu’il fait état d’un « ensemble urbain paysager ».

Sans juger de leurs qualités architecturales intrinsèques, les projets semblent se poser là, sans respect clair de l’existant, sans lien évident avec leur environnement, et sans dialogue entre eux :

 

 

 

 

 

 

En d’autres termes et sans rien ignorer de la difficulté d’imaginer des constructions s’inscrivant harmonieusement dans un site, les projets présentés seraient transposables à peu près n’importe où, ils ne participent pas à l’identité de la ville.

Pire : le projet de crèche sera très préjudiciable au site.

Ainsi il jouxtera brutalement le bâtiment ancien qui signe élégamment l’arrivée dans le périmètre historique, l’écrasant tant de sa masse que de sa hauteur et sans la moindre parenté :

   

Enfin ce projet de crèche permettra-t-il encore de découvrir l’église à l’approche du carrefour central, avec son clocher suffisamment détaché du bâti alentours pour être apprécié ?

 

 

 

 

 

 

De l’autre côté place Charles de Gaulle, le Colombier a aujourd’hui l’avantage d’être relativement tapi, donc de ne pas dominer l’église, la laissant « respirer ».

Qu’en sera-t-il demain de la vision de ce nouvel immeuble, à partir de cette place, épicentre de la ville, ayant vocation à être animée et donc… valorisée ?

  • Pour en juger, serait-il possible d’avoir une représentation réaliste de son inscription dans le site, clarifiant les extrapolations ci-dessous ?

  • Par ailleurs, aucun de ces projets n’expriment l’image de « Ville Nature » que Ville-d’Avray veut se donner, les efforts de végétalisation étant annihilés par l’emprise au sol des constructions projetées.

A pied depuis la voie publique, même les toitures végétalisées ne seront pas perceptibles :

A part un malheureux sujet sur la parcelle de la Poste (ci-dessus), où sont les arbres à haute tige devant les constructions ? Tout est trop minéral…

Et : en dehors des quatre parcelles considérées, quelle réflexion sur la présence du végétal en ville ? Quel plan d’ensemble ?

  • Rien non plus sur le mobilier urbain (la ville de Sceaux ayant, sur ce plan, mené une vraie réflexion… qu’on adhère à la couleur, ou pas) :

  • Rien sur la mise en valeur nocturne (église, fontaine, végétation, détails de façade etc.) par un éclairage approprié, très ponctuel et peu consommateur.

(Détail d’une façade rue de Saint-Cloud à Ville-d’Avray)

 

 

 

 

  • Rien sur la présence de l’eau, dont le gargouillis ajouterait pourtant à l’animation.
  • Enfin, quel projet pour la rue de Saint-Cloud, qui mériterait bien un toilettage, a minima ?

Bref : vision, chez nous, très « parcellaire » de ce que devrait être notre centre-ville, pas de regard sensible sur notre environnement global.

Dans ces conditions, il est bien difficile de ne pas associer le projet « Cœur de Ville » à une démarche purement opportuniste, centrée sur le potentiel de constructibilité desdites quatre parcelles…

  1. Nous notons cependant certains éléments de langage intéressants qui, voulons-nous croire, prévaudront aussi dans d’autres quartiers de la ville.

Entendu lors de la réunion :

  • En général : « L’esprit de Ville-d’Avray, tel qu’il nous a été exposé, imposait une faible densité, des bâtiments modestes et un bâti fragmenté (maisons, notamment) ».
  • Projet de la poste : « Les terrasses ont été rendues non accessibles pour protéger l’intimité des logements voisins ».
  • Projet Versailles :
    • « La volumétrie a été revue à la baisse pour répondre à la question du rapport à la maison Pradier ».
    • « Avec pour avantage la réduction du front bâti, qui n’est plus à l’alignement de la rue ».
  1. Concernant le 17 rue de Sèvres, il nous faut dire cependant que nous n’avons été nullement convaincus par les explications données :

 

 

 

 

 

 

 

  • Nous avons entendu que l’état intérieur de la maison principale (deux étoiles) était déplorable.

Nous n’en doutons pas. Mais cela n’était pas une raison suffisante pour la mettre à bas.

  • Cette maison existait depuis le XIXème siècle, et elle ne donnait jusqu’en mars dernier (photo Google ci-dessous) aucun signe extérieur d’affaissement (pas même une fissure).

Comment se fait-il alors que son sort ait été scellé dès le 25 janvier 2018 au moins ? (Le promoteur n’aurait pas pris la peine de déposer un permis de construire sur cette maison protégée à cette date sans en avoir préalablement discuté avec vos services).

  • Comment ne pas nourrir quelques sérieux doutes en entendant qu’elle menaçait de s’effondrer précisément au moment où, après plus d’un siècle de bonne tenue, un programme immobilier voit le jour sur son terrain ?
  • Qui peut croire que cette maison n’aurait pu être sauvée si on l’avait vraiment voulu, si l’on avait pris, par exemple, les mêmes mesures conservatoires que pour l’église qui, elle, se fissure gravement ?
  • Comment se fait-il qu’à Boulogne, notre voisine, on parvient à maintenir un seul mur (ci-dessous), forcément fragilisé, debout pendant des années, alors qu’à Ville-d’Avray nous sommes manifestement incapables de conserver quatre murs formant un solide quadrilatère ?

  • Une autre idée à laquelle il est bien difficile de croire est la reconstruction « à l’identique »du 17 rue de Sèvres, telle qu’elle nous est vendue :
  • Une telle reconstruction supposerait de reproduire non seulement toutes les imperfections qui font le vrai charme de l’ancien, mais aussi les détails de grille, de modénature et d’enduit, dont les lignes horizontales affinaient la façade :

Ce n’est pas ce qui ressort du projet de reconstruction.

Au lieu de cette élégant traitement, on ajoute des volets là où il n’y en n’avait pas et des balustres kitch aux fenêtres, pastiche de l’ancien (seront-elles même en véritable fer forgé ou en simples tubes cintrés ?) :

  • Pendant la réunion, on nous a parlé de façade à l’identique (ce qui n’est même pas le cas, nous venons de le voir), alors que la question soulevée par Dagoverana portait bien évidemment sur l’ensemble de la maison, puisque cette dernière ne devait pas à sa seule façade d’avoir été qualifiée de « remarquable » par le PLU !

Une architecture est un tout, son intégrité est capitale.

  • Or, le volume du toit sera modifié, faisant perdre à la maison toute son élégance pour ressembler à un immeuble néo-classique Kaufman & Broad :

L’élégant retournement de la corniche est passé par pertes et profits ! On s’oriente résolument vers une architecture pataude, non inspirée.

Parler de reconstruction à l’identique n’est donc qu’un abus de langage.

De prime, le nouveau toit ne s’inscrira plus en harmonie avec ceux des maisons avoisinantes :

En effet, les toits directement voisins sont aujourd’hui très discrets :

… alors qu’un toit à la mansard, incongru dans ce paysage, avec de nombreuses fenêtres ajoutées en vue d’augmenter la surface habitable, sera aussi plus impactant, car nettement plus visible pour le passant :

C’est ainsi que, par petites touches, insidieusement, on s’écarte du bel ordonnancement d’origine, les toitures en escalier faisant alors sens dans le paysage, en épousant la déclivité de la rue :

Une réelle reconstruction à l’identique, sans modification de la toiture permettant opportunément de créer de nouveaux logements, eut été plus apte à nous convaincre que la destruction de cette maison protégée s’imposait vraiment.

Pour l’heure, nous avons le sentiment très net que toutes les mesures n’ont pas été prises pour protéger le patrimoine de notre ville, contrairement à ce qui avait été dit à la population lors de la présentation du projet de PLU le 11 avril 2013 : « Thème 2 : Dans la ville, protéger notre patrimoine historique, naturel et architectural ».

Nous avons également le sentiment que l’objectif de densification n’est pas étranger à ces décisions, que l’argent a gagné et cela est déplorable.

Mais il est encore temps de nous convaincre du contraire !

Nous demandons une reconstruction à l’identique, par de vrais artisans compagnons du devoir.

Les photos sont là pour permettre cet ouvrage.

Ordonnez, et nous seront convaincus.

Par ailleurs, pourquoi dans pareils cas et avant de commettre l’irréparable, ne pas consulter les associations dont l’objet est la défense de l’environnement et du patrimoine, ainsi que des professionnels de la réhabilitation des bâtiments anciens, plutôt que de s’en remettre à un promoteur ?

Seules questions pendantes aujourd’hui :

  • Quand les autres maisons protégées de cet « ensemble urbain paysager » subiront-elles le même sort ? (On trouvera bien une fissure ici ou là… comme la rage à son chien)
  • Quand le cœur de ville perdra-t-il définitivement toute trace de son passé ? (Sauf l’église, qui restera comme celle « du Souvenir », à Berlin)
  • Que restera-t-il de l’authenticité de notre cité ?

Mais Dagoverana s’en voudrait de se cantonner à la critique…

En guise d’inspiration nous proposons des vues de la ville de Sceaux, vivante, humaine, pimpante et arborée, avec de nombreuses maisons XVIII réhabilitées et une grande cohérence du cœur de ville :

A Sceaux, la vision d’ensemble est claire et il semble bien que, là au moins, aient été mis en application les vœux que Monsieur Badré formulait pour Ville-d’Avray en 2000 :

  • « Béton ou poésie ? Ce sont bel et bien cette poésie et ces charmes (…) que l’équipe municipale entend protéger, cultiver et développer. »
  • « Peu de terrains à offrir à l’appétit des promoteurs (…) Ce n’est pas à Ville-d’Avray qu’un urbanisme déraisonnable gagnera par le haut les m2 que la topographie semble lui refuser. »

Dagoverana doit-elle être qualifiée de passéiste en se référant à l’an 2000 ? Est-ce déjà trop loin dans l’histoire ?

Le vent de la « modernité » doit-il tout emporter sur son passage ? En 19 ans l’héritage de plusieurs siècles ?

Dans un esprit de parfaite transparence nous nous engageons, Madame la Maire, à publier votre réponse.

Nous ne croyons pas trop nous avancer en vous disant qu’elle sera lue par plus de 2.000 concitoyens et concitoyennes.

Nous vous demandons également de bien vouloir faire connaître à la population le cahier des charges qui a orienté le travail des architectes de ce projet « Cœur de Ville », auquel nous aurions dû, toutes et tous, être associés dès la phase la plus amont, pour participer à la définition des grandes lignes.

A moins que, comme le commissaire enquêteur susmentionné se plaît à le répéter dans son rapport, les dagovéraniens étant un public « non averti », il ne soit pas nécessaire de le consulter ?

Et qu’il soit plus sage de donner les pleins pouvoir à seulement quatre personnes décidant, sans concertation préalable, de l’avenir de 12.000 habitants ?

Dans un esprit de parfaite transparence toujours, il nous serait agréable de disposer aussi, comme cela se fait dans d’autres communes voisines, d’une petite tribune en fin du Ville-d’Avray Info, pour partager nos impressions et nos attentes.

En effet Dagoverana est, en effectifs, assurément l’une des plus importantes associations de Ville-d’Avray, sa croissance est forte et son objet totalement en phase avec l’une des toutes premières préoccupations des dagovéraniens et dagovéraniennes (cf. questionnaire de l’été) : l’environnement et l’écologie.

Pour conclure, nous avons entendu votre promesse, devant l’assemblée, que rien ne concernant le projet Cœur de Ville ne sera signé, donc irréversible avant les prochaines élections.

Cela vous honore.

Mais nous avons également entendu l’un des acteurs de ce projet dire qu’il avait travaillé, lui et son équipe, pendant plus d’un an sans être rémunéré.

Qu’adviendrait-il de ses débours si, d’aventure, une nouvelle équipe municipale décidait de stopper le projet ou de le relancer sur des bases totalement autres ?

Cette lettre a été rédigée collégialement.

Bien sincèrement,

Jean-Marc Bourhis

06 79 99 87 63

Président de DAGOVERANA